STRASBOURG - Aux Hospices civils de Strasbourg, en ce matin neigeux de janvier, une petite centaine de vignerons plongent leur nez dans des ballons de vins d'Alsace, consignant sur leur feuille de dégustation "arôme de pamplemousse", "bouche charnue" ou "vin surmûri".
"On teste les bébés vins", explique Philippe Junger, le responsable de la cave historique des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (Hus).
"Ce sont des vins encore en devenir, non filtrés et qui doivent déposer leur lie fine, mais cette pré-sélection est très importante", précise Pélagie Hertzog, oenologue à la cave.
L'histoire de cette dégustation annuelle où le monde viticole alsacien "se note" remonte à une quinzaine d'années, lorsque qu'une convention "gagnante-gagnante" a été signée entre les professionnels et les hôpitaux universitaires.
Réunis au sein d'une Société d'intérêt collectif agricole (Sica), des producteurs se sont engagés à mettre, durant 50 ans, une partie de leur vendange dans les fûts de chêne de la cave, après une sélection drastique qui va en garantir la qualité et donc le prix.
Dans un silence recueilli, ils procèdent à la première dégustation du millésime 2009, annoncé comme "exceptionnel". La plupart des Riesling, Auxerrois ou Pinot ont obtenu le feu vert pour achever de mûrir dans les cinquante foudres en chêne de la cave. D'une contenance totale de 2.400 hectolitres, ils occupent les 300 m2 de la cave voûtée historique, dans le sous-sol de l'hôpital, au coeur de la ville.
Le vin d'un récoltant a pourtant échoué, avec quelques autres échantillons, au triple test visuel, olfactif et gustatif. "Il avait un nez floral mais manquait d'équilibre, sucre et acidité marchant côte à côte", ont estimé vignerons, sommeliers réputés et chefs étoilés après leur dégustation à l'aveugle.
Un pinot gris a, lui, échappé de peu au couperet en raison de sa robe d'une jaune intense. "C'est normal à ce stade, il va encore virer vers un beau jaune paille", a aussitôt rassuré Richard Juncker, maître de chai à Cleebourg (Bas-Rhin).
Pour les "bébés vins" acceptés, l'opération est excellente en terme de réputation, car avoir son nom sur l'étiquette des bouteilles vendues par les Hospices constitue un sérieux gage de qualité.
La cave est en effet connue mondialement pour renfermer depuis 1472 "le vin le plus vieux au monde, conservé dans un petit tonneau". "Et les laboratoires constatent régulièrement qu'il s'agit toujours de vin", se réjouit M. Junger.
La belle cave voûtée date de 1395 et "a servi durant plus d'un demi-millénaire de garde-manger" à l'hôpital, rappelle-t-il. "On y avait installé foudres et des tonneaux parce que longtemps on donnait aux malades leur chopine de vin, bien moins dangereuse à l'époque qu'une eau polluée", souligne-t-il. Il y avait aussi des vins rouges plus prestigieux commandés dans d'autres régions viticoles pour les médecins.
Les hôpitaux font payer le loyer et leur réputation de qualité en prélevant une partie du vin qu'ils commercialisent à partir du mois d'avril. "Nous avons même, et c'est inédit, une échoppe dans l'enceinte hospitalière où l'on vend les meilleurs cépages. Quant au produit des ventes, il est entièrement affecté à l'achat de matériel hospitalier", tient à préciser le responsable de la cave.
(©AFP / 14 janvier 2010 08h31)
Source : romandie news.
Cordialement le Blad.