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6 mai 2009 3 06 /05 /mai /2009 11:41

Les Australiens sont sens dessus dessous. Depuis le deuxième millénaire, ils s'adonnent avec enthousiasme et ardeur (150 ha plantés) à la culture de l'albarino, un cépage blanc de la péninsule ibérique, dénommé albarino en Espagne et alvarinho au Portugal, prince de Galice et du Douro.

Après le chardonnay, le sauvignon et le viognier, l'albarino est la nouvelle coqueluche, un cépage promis à une carrière internationale, donnant, je cite faute d'en avoir goûté, des vins « fins » et « aromatiques ».

Le marselan, un hybride du caberne-sauvignon et du grenache; un enfer à vendanger (Catherine Bernard)

En novembre dernier, deux chercheurs français de l'Institut de la vigne et du vin découvrent que l'albarino cultivé en Australie s'avère être du savagnin, fichu cépage du Jura et du Valais. Les Australiens n'en veulent alors rien croire, s'accrochent aux signes extérieurs de la plante, la découpe des feuilles, la forme des grappes, la taille des baies.

Il y a quelques semaines, les analyses de l'ADN de l'avarino australien ont confirmé les observations des deux ampelographes et donc la méprise.

Dyonisos lui-même n'est pas sûr des origines de son nom

L'histoire ne dit pas encore comment l'erreur s'est glissée, ni si l'albarino espagnol et l'alvarinho portugais sont aussi du savagnin, mais cette hypothèse n'est pas à exclure. Depuis, et même bien avant Noé, comme et avec les hommes, la vigne n'a eu de cesse de voyager.

Dyonisos lui-même n'est pas sûr des origines de son nom. L'a-t-il donné ou bien l'a-t-il emprunté au mont Nysos, près de Nysa en Afghanistan, pays où le vin est aujourd'hui proscrit ? Au regard de l'histoire ce n'est pas tout à fait la même chose.

Avant d'être identifié au san giovese, le chianti de la Toscane était un vin d'assemblage de vignes complantées de cépages qui avaient la nationalité des occupants, les Habsbourg-Lorraine puis les Bonaparte, comme si l'identitaire et/ou ses caprices en passaient aussi par là.

Albarino, savagnin, on pourrait dire, qu'importe, l'essentiel est que le vin soit bon. Mais il en va des noms des cépages, comme du reste. Nommer, c'est affilier, et affilier, c'est (s')inscrire dans une histoire, de famille, de territoire, de paysage, imaginaire ou réel, une culture, des habitudes, un comportement.

Bon gré, mal gré, on finit par épouser son nom, ou bien on en change. Il y a loin de l'idée que l'on peut se faire d'un vin qui prendrait racine dans les fières et chaudes terres du Portugal et de l'Espagne, et d'un autre issu des frais et montagneux coteaux du Jura ou du Valais. Tandis que l'albarino s'énonce facilement, le savagnin porte lui un nom imprononçable, à l'image du goût singulier des vins d'Arbois, un goût bien trop singulier pour être international.

Ces mystères de la vigne qui me laissent bouche bée

J'affabule ? De retour d'un voyage en Argentine, Laurent, de Rue89, me dit qu'il a bu là-bas de très bons malbec, et rapporte cette anecdote : originaire du sud-ouest, pilier des vins de Cahors, le malbec, dit-on en Argentine, tiendrait son nom de « mauvaise bouche ».

Les dictionnaires ne disent rien de tout ça. Le malbec, appelé cot à Bordeaux, pourrait être le nom du négociant, un certain Malbeck, qui l'a introduit à Cahors. Cela n'est pas sûr non plus et pourrait être aussi le fin mot d'une querelle entre Bordeaux et Cahors.

Ce qui est en revanche avéré c'est que les malbec de Cahors sont des vins tanniques, souvent râpeux, et n'auraient donc pas volé leur nom, tandis qu'installés depuis 1852 en Argentine, ils se révèlent là-bas « veloutés ». Il y a malice. Que, suivant les traces de Dyonisos, le savagnin et l'albarino ne soient qu'un, que le malbec se révèle autre, fait partie des mystères de la vigne qui me laissent bouche bée.

Mon marselan passe en clandestin

J'ai dans mes vignes un sans papier, innommable, le marselan. Je l'ai découvert après-coup, en le travaillant. Officiellement, sur mon casier viticole, qui est à la viticulture ce que le casier judiciaire est aux hommes, le marselan que j'ai sur mes parcelles est du grenache.

Le grenache est un l'un des cinq cépages autorisés dans le décret régissant l'AOC (appellation d'origine contrôlée) Coteaux du Languedoc. Pas le marselan. Le marselan est un hybride - ce qui est en soi suspect- né à Marseillan, dans les sables du conservatoire de Vassal, propriété de l'Inra.

Là s'identifient et s'écrivent les multiples histoires de vitis vinifera, 7 000 variétés différentes sur la planète, dont 4 000 clairement identifiées à ce jour. C'est un lieu unique au monde où les traquenards de la linguistique sont débusqués.

En 1961, des chercheurs de l'Inra, -comme les moines cisterciens le faisaient du pinot noir-, ont prélevé du pollen de grenache et l'ont fécondé avec le cabernet-sauvignon. Après de multiples essais plus ou moins fructueux cela a donné un cépage qui a le port du grenache et les petites grappes du cabernet-sauvignon. Il doit son nom à la ville où il est né.

Mon marselan passe en clandestin mais néanmoins comme une lettre à la poste aux comités de dégustation de l'AOC. Il fut question de l'introduire à l'essai dans l'AOC. La demande a été rejetée la semaine dernière par l'assemblée générale du syndicat. En France, on ne plaisante pas avec l'originaire.

Le Garanoir, un hybride, croisement du gamay et reichensteiner (Catherine Bernard)

Ce passager clandestin me plaît. En plus de ses qualités, j'y vois la prééminence de la vie sur le mausolée. Moins encombrés avec le vin, les Suisses sont fiers d'afficher les nouveaux membres de la famille vitis vinifera sur leurs étiquettes : garanoir, diollynoir, des hybrides comme le marselan.

A leur tour, ils perdront peut-être leurs noms pour gagner des qualités, tricoteront des mensonges dont sortira une part de vérité.

Photos : le marselan, un hybride du caberne-sauvignon et du grenache ; un enfer à vendanger. (Catherine Bernard)


Source : www.rue89.com

Cordialement le Blad.

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